lunes, 19 de agosto de 2024

SAINT GRÉGOIRE ET LE GRÉGORIEN

L'une des figures les plus importantes du Moyen Âge chrétien, est saint Grégoire Ier qui a donné son nom à un répertoire conçu loin de son temps et de son espace. Quel rôle a vraiment joué cette personnalité en rapport avec le chant liturgique traditionnelle de l’Église ? Pourquoi cette association, venue du fond de l’histoire ?

Considéré comme le « père spirituel » du Moyen Âge pour son action pastorale, son œuvre écrite, (1) son zèle évangélisateur et sa capacité à gérer -malgré une santé faible- au milieu d’une époque d’agitations et de pestes, saint Grégoire fut «la figure la plus importante du premier millénaire catholique latin».(2) Et, premier pape-moine ou moine-pape d’après la Regula monachorum de saint Benoît, dans son propre palais sur la colline Celia devenu le monastère «Saint-André ad Clivum Scauri», l'office chanté communautaire ou opus Dei avait sa place centrale.

Bien qu’à présent personne ne doute que l’ensemble des pièces du répertoire grégorien ait été composé pour la plupart entre la deuxième moitié du VIIIe et la première du IXe siècle,(3) le thème de la attribution à Grégoire du grégorien a été dernièrement amplifié par l’historiographie, au point de laisser au personnage le rôle d’un simple parrain du chant grégorien. Sujet de longs débats dans les décennies passées, la doxa actuelle semble peu généreuse à ce sujet, et l’on parle de « légende » pieuse de saint Grégoire en rapport avec sa participation musicale concrète dans la consolidation de l’actuel chant grégorien.

Alors, il me semble juste de donner quelques précisions sur cette importante question, ainsi que de clarifier (et pourquoi pas revendiquer encore une fois) la figure de saint Grégoire, et non pas en tant que compositeur des pièces grégoriennes tel que nous les chantons actuellement ; mais plutôt comme son saint patron éclairé, un patron moins pour des raisons honorifiques qu’il n’aurait pas appréciées, lui qui se disait le plus humble servum servorum Dei, mais pour des donnés historiques incontestables. Parce que comme tout, les raisons ont un poids au-delà des opinions, étant donné que rien est dû au hasard. Les lignes qui suivent ont pour but d’essayer une réponse convenable.

1- LES DOCUMENTS

D’une part nous avons les faits, c’est à dire, un ensemble de documents plus ou moins proches de la vie du saint, mais tous tissés par et dans la Tradition. On sait bien qu’elle conforme avec l’Écriture et le Magistère, les piliers de notre foi.

a. Premièrement, le poème Gregorius præsul (Évêque [de Rome] Grégoire) mit devant de nombreux manuscrits grégoriens encore sans notation du IXe à XIe siècles, tels que le Graduel (auparavant appelé Cantatorium) de Monza (début du IXe siècle) ou l’Antiphonaire de Compiègne (IXe siècle), voulant attribuer le livre à Grégoire Ier:

Gregorius præsul meritis et nomine dignus,

unde genus ducit summum conscendit honorem 

qui renovans monumenta patrumque priorum

tum conposuit hunc libellum musicae artis

scolae cantorum. In nomine Dei sumni.(4)

Tandis que le Graduel de Mont-Blandin (VIIIe siècle), la référence est plus réduite mais attribuant l’antiphonaire (« l’Antiphonaire de saint Grégoire » duquel au présent n’existe aucun trace) dans toute l’extension de l’année liturgique au même personnage :

In D[e]i nomen incip[it] ant[e]f[ona]r[ius] ordinat[us] a s[an]c[t]o Gregorio per circulum anni.(5)

Il s’agit donc du reconnaissance à une certaine œuvre du pape consignée d’après une tradition déjà établie semblerait-il en ce temps-là. On pourrait avoir choisi sans provoquer de conflits un autre nom d’auteur, si ce qu’on cherchait était de donner l’autorité au livre de chants auquel ce texte préfacé, voulant l'imposer devant d’autres répertoires en usage en ce temps-là, étant donné que le contenu de ces livres était déjà le chant romain-franc qui venait d’être composé et dont on voulait d’établir dans l’empire carolingien à la place des usages (gallicans) locales.

b. Deuxièmement, c’est le Sacramentaire dit «grégorien», un livre réunissant notamment les textes des prières du célébrant - sans aucune référence au chant-, dont il y a trois versions:

  1. Celle faite sous le pape Adrian I (772-795) connue comme l’Hadrianum et copiée peut-être par saint Benoît d’Aniane vers 810-815 ;

  2. Le Sacramentaire grégorien de Trente, plus ancien encore (ca. 685-690) et de plus ample diffusion, notamment en la Gaule (il a été utilisé par Alcuin?) mais aussi en Angleterre ; et

  3. Le Sacramentaire grégorien de Padoue copié au milieu du IXe siècle et fruit d’une révision faite avant les autres, semble-t-il.(6)

Mais la réalité fera rapprocher ce célèbre Sacramentaire plutôt à Grégoire II (715-731) -si son auteur est effectivement un pape nommé Grégoire- qu’à Grégoire Ier lui-même.

c. Troisièmement, nous avons ses biographies, trois plus précisément, sources primaires de toutes les autres connues:

  1. La première appelée Vita Beatissimi Papae Gregorii Magni Antiquissima  écrite entre 704 et 714 (ou 680 et 704 selon d’autres auteurs) est due à un moine anonyme anglais de Whitby ;

  2. La deuxième (Vita beati Gregorii papae) est celle de Paul Diacre Warnefried (ca. 720 – ca.799), moine et écrivain de Mont Cassin,(7) rédigée vers l’an 760 ;

  3. Enfin la dernière (Vita Gregorii Magni) ayant comme auteur Jean Hymmonide dit le Diacre (?- ca. 882), a été rédigée entre l’an 872 et 875.

En ces biographies on trouve tous les aspects de sa vie largement connus, parmi lesquels son œuvre en faveur du chant liturgique d’alors, en faisant une compilation de pièces (dans un antiphonaire), et établissant les moyens pour la mettre en place d’après une institution pour la chanter (la schola cantorum). Or, on peut lire dans la Vita de Jean le Diacre : Deinde in domo Domini, more sapientissimi Salomonis, propter musicae compunctionem dulcedinis, antiphonarium centonem cantorum studiosissimus nimis utiliter scholam quoque cantorum quae hactenus eisdem institutionibus in sancta Romana ecclesia modulatur constituit.(8)

d. Finalement, nous avons des références abondantes à la dite « mission grégorienne » en terres britanniques de l’an 597, quand il envoie son disciple saint Augustin de Cantorbéry à la tête d’une bonne quarantaine de moines de « Saint-André ad Clivum Scauri » au Kent (sud-est de l’Angleterre) afin d ‘évangéliser ce peuple anglo-saxon.

Dans l’Historia ecclesiastica gentis anglorum de saint Bède le Vénérable on peut connaître l’action de l’abbé Jean, vers l’an 680: Accepit et praefatum Iohannem abbatem Brittaniam perducendum; quatenus in monasterio suo cursum canendi annuum, sicut ad sanctum Petrum Romae agebatur, edoceret; egitque abba Iohannes, ut iussionem acceperat pontificis, et ordinem uidelicet, ritumque canendi ac legendi uiua uoce praefati monasterii cantores edocendo.(9) De plus, au sujet de l’œuvre de saint Wilfrid de York datée vers l’an 709 saint Bède nous dit que cantatorem quoque egregium, vocabulo Maban, qui a successoribus discipulorum beati papae Gregorii in Cantia fueral cantandi sonos edoctus, ad se suosque instituendos accersiit, ac per annos XII tenuit; quatinus et, quae illi non noverant, carmina ecclesiastica doceret; et ea, quae quondam cognita longo usu vel neglegentia inveterare coeperunt, huius doctrina priscum renovarentur in statum.(10)

Le rôle de la musique « grégorienne » en cette entreprise missionnaire est tellement important que Jean le Diacre affirme : Hinc est quod hujus Gregorii tempore cum Augustino tunc britannias adeunte, per Occidentem quoque Romanae institutionis cantores dispersi, barbaros insigniter docuerunt.(11) Sans compter les expression du pape lui-même : Ecce lingua Britanniae, quae nil aliud nouerat, quam barbantm frendere, iam dudum in diuinis laudibus Hebraeum coepit Alleluia resonare. (12)

2- EN LISANT LES DOCUMENTS...

Nous venons de constater que les rapports entre saint Grégoire Ier et la musique liturgique de son temps sont étroits et soutenus par un socle documentaire solide. A tel point, qu’« on attribue à saint Grégoire le meilleur de la prière liturgique ». (13)

Quelques précisions :

a - Le contenu du Gregorius præsul à la mention de l’Antiphonaire qu’il aurait rédigé est remis en cause: sil s’agissait d’une compilation, d’une œuvre originale, s’il avait le caractère d’un archétype (14) ou s’il était un recueil de pièces de chant vieux–romain,(15) une hypothèse proposé par Helmut Hucke (16) dans les années ‘50 qu’au présent on ne peut pas soutenir, car le pape Grégoire Ier n’a été pas le premier à s’occuper du chant de la liturgie papale. En effet, depuis Damase Ier (356-384) on peut compter plusieurs papes agissant en cet domaine; par exemple, l’Ordo Romanus XIX exprime que fut Boniface II (530-532) qui « cantilenam anni circoli ordinavit ».(17)

b – D’autre part, au sujet de l’attribution à saint Grégoire des scholae cantorum (avec siège dit-on, au Vaticane et au Latran), il est possible qu’il leur ait donné une impulsion, même sans les avoir fondée strictu sensu avec ce nom devenu célèbre, car on sait bien que les papes du siècle précédent témoignent d’un grand intérêt pour établir des centres de pratique et/ou d’enseignement du chant liturgique. Sixte III (432-440) a fondé un monastère ad Catacumbas pour faciliter l’activité professionnelle des chantres ; saint Léon Ier le Grand qui les donne un autre monastère tout près du Vatican ; ou Hilaire (461-468) ajoute deux autres endroits dans Saint-Laurent-hors-les-Murs et à l’intérieur de Rome, appelé « Lune » dans les textes.(18)

c - Ce qui reste hors de discussion, semble-t-il, c’est la question du Kyrie elesion que Grégoire alternera à cette époque avec le Christe eleison; l'instauration du chant de l’alleluia pendant toute l’année liturgique sauf en Carême, ou bien la place du Pater noster après le Canon de la Messe. Toutes ces choses sont consignés dans une lettre à Jean de Syracuse de l’an 598.

Saint Grégoire Ier dictant au scribe, d'après le manuscrit Hartker (Saint-Gall 390-391). A noter qu’à l’époque de sa papauté il n’existait aucune forme de notation musicale. Ici, le notateur transcrit la mélodie dictée en neumes sangalliens !

3 – CONCLUSION

Les notateurs qui ont laissé le Gregorius præsul dans leurs livres de chœur se sont fait l'écho de l’action et de l’autorité musicale de Grégoire Ier à son époque. Néanmoins, les détails du célèbre Antiphonaire « ordonné et composé » par lui est une véritable énigme, car au présent il n’a rien resté de celui-ci.

En ce point, le thème de saint Grégoire Ier médiateur entre le plan divin et humain à travers la musique, faisant partie aujourd’hui de l'iconographie chrétienne, devrait être considérée comme le reflet de cette tradition ancienne qui a voulu honorer le personnage, en même temps que mettre en valeur les livres du nouveau chant en substitution des rites locaux.

Enfin : lattribution à une œuvre musicale fixée comme qu’un hommage devant des livres de chant grégorien fort importants, une supposition de paternité d’un petit livre des prières très répandu; des donnés documentaires biographiques et historiques qui démontrent l’activité de ce pape pour et par la musique liturgique chantée… Tout cela constitue des raisons suffisantes pour rendre indivisible ce répertoire vocal sacré de la personnalité de saint Grégoire Ier le Grand -en juste titre-, autant que la colombe à son oreille qui accompagne sa figure depuis le manuscrit d’Hartker, les fresques du Sacro Speco de Subiaco, jusqu'aux mosaïques de Saint-Paul-hors-les-Murs.


Enrique Merello-Guilleminot

Mon remerciement à Mme Lisette BIRON.

(1) Parmi ses travaux (Moralia in Job, Homélies, Règle pastorale...) il faut mentionner ici les Dialogues dont son second livre est la principale source biographique de saint Benoît de Nursie, le père du monachisme occidental.

(2) Cf. GUILMARD, J.-M. (2024), Au coeur du chant grégorien, Solesmes, p. 107.

(3) Le répertoire de la Messe aurait été créé vers 765 à Metz ; celui de l’Office séculier à Tours vers 800, et le répertoire de l’Office bénédictin (propre aux moines) à Saint-Denis, près de Paris, vers 835 [cf. GUILMARD, J.-M. (2006) A propos des origines du chant grégorien, 25 mai 2006, https://fr.zenit.org/articles/a-propos-des-origines-du-chant-grégorien/ ].

(4) « L'évêque [de Rome] Grégoire, digne par le nom comme par les mérites s’éleva à l'honneur suprême. Il rénova les monuments des anciens pères et composa [le texte de] ce petit livre d'art musical en faveur de la schola des chantres. Au nom du Dieu le plus haut. » Cette version reproduite est celle du Cantatorium de Monza. Il y a d ‘autres plus développées mais l’idée centrale est toujours de mettre à l’honneur à Grégoire comme responsable du livre concerné.

(5) « Au nom de Dieu commence l'antiphonaire ordonné par saint Grégoire pour le cycle de l'année. »

(6) Cf. ASENSIO, J. C. (2003): El canto gregoriano – Historia, liturgia, formas…, Alianza, Madrid, pp. 25-36.

(7) C’est à lui qu’on attribue le texte de l'hymne Ave maris stella et notamment l’Ut queant laxis pour la fête de saint Jean Baptiste, qui a donné nom aux notes musicales.

(8) « Dans la maison du Seigneur, comme un autre savant Salomon, et à cause de la componction et de la douceur de la musique, le plus zélé des chantres compila très utilement l'antiphonaire. Il constitua aussi la Schola cantorum, qui chante encore dans la sainte Église et d'après les mêmes principes» (cf. DIACRE, Jean, Vita Gregorii Magni II, 6).

(9) “Il accepta également que ledit Jean abbé, soit amené à faire en Bretagne, dans la mesure où il enseignait dans son monastère un cours annuel de chant, comme cela se faisait à Saint-Pierre de Rome. Labbé Jean fit comme il en avait reçu l'ordre du pontife, il observa l'ordre et le rite de chanter et de lire d'une voix vive, en enseignant aux chanteurs du dit monastère  » (cf. BEDE le Vénérable, Historia ecclesiastica gentis anglorum, IV,18).

(10) «Il nomma également un excellent chanteur, nommé Maban, à qui les successeurs des disciples du bienheureux pape Grégoire dans le Kent avaient appris les sons du chant funéraire, pour l'instruire ainsi que les siens, et le garda pendant 12 ans; et il enseignait des chants ecclésiastiques, qu'ils ne connaissaient pas; et ces choses qui, une fois apprises, avaient commencé à vieillir à cause d'un long usage ou d'une longue négligence, devaient être renouvelées dans l'état ancien» (Cf. op. cit., V, 20).

(11) “C'est pourquoi, du temps de Grégoire, lors qu’Augustin vint alors en Bretagne, les chanteurs de l'institution romaine, dispersés dans tout l'Occident, enseignaient les barbares d'une manière remarquable » (cf. DIACRE, Jean, op. cit. II, 8).

(12) “Voici, la langue de la Bretagne, qui n'avait rien su d'autre que briser les barbares, commença depuis longtemps à faire résonner l’Alléluia hébreu dans les louanges de Dieu.” (cf. GRÉGOIRE le Grand, Moralia, sive Expositio in Job, XXVII, 11, 21).

(13) Cf. GUILMARD, op. cit. p. 118.

(14) Cf. HUGLO, M., « L'antiphonaire: archétype ou répertoire originel?» en FONTAINE, J. - GILLET, R. - PELLISTRANDI, S.-M. (éd)., Grégoire le Grand. Actes du Colloque de Chantilly (Chantilly, 15-19 septembre 1982), Paris 1986, pp. 661-669.

(15) Au début de 1890, lorsque dom Mocquereau, alors maître de chœur à l’Abbaye de Solesmes, partit pour l'Italie dans le but de visiter les bibliothèques de la péninsule et de photographier les documents qui témoignent le graduel Iustus ut palma il a trouvé un type de cantillation qui était pratiqué dans la liturgie papale vers le VIIIe siècle et qui, mélodiquement, était encore loin d'être le grégorien que nous connaissons, bien qu'il n'en soit pas indépendant du point de vue liturgique. Ce chant appelé plus tard vieux-romain ou ancien chant romain, n'est attesté que par trois manuscrits d'écriture tardive : le graduel Roma (Bibl. Vat. Lat. 5319), le graduel Rome (Archivio San Pietro F22) et l'antiphonaire Rome (Archivio di San Pietro B79), tous du XIIe siècle. Puis, en 1951, deux autres livres plus anciens encore furent découverts à Londres dans une librairie de livres anciens par dom Hourlier et dom Michel Huglo : le graduel de Sainte-Cécile du Trastevere C74 (1071) et l’antiphonaire Londres British Library Ms. Add 29988 (deuxième moitié du XIIe siècle). Il faut compter à cela au moins six d’autres fragments trouvés, lesquels sont au présent en étude.

(16) Cf. VIRET, J. (2017), Le chant grégorien. Des origines à nos jours, Eyrolles, p. 58.

(17) Cf. GUILMARD, J.-M., op. cit. p. 117.

(18) Cf. Liber Pontificalis 46, 13; 47,11 et 48 [cité par MAYMÓ I CAPDEVILA, P. (2013), El ideario de lo sacro en Gregorio Magno (590-604). De los santos en la diplomacia pontificia, Universitat de Barcelona, p. 167].


lunes, 12 de agosto de 2024

ELOGIO A JUANA DE IBARBOUROU

 

                             

De niña estuviste a mi lado,

En manchas extasiada

Viendo allí el Amazonas con sus monos y guacamayos,

El bicornio del Sire o el perfil de Barba Azul;

Con tu nodriza venida de las sierras de Aceguá

Compartiendo juegos y estrellas,

Cuando las lanzas blancas y los fusiles colorados.


Más tarde el fervoroso reflejo tuyo

Fue el homenajeado, fue el amor y la vida,

Brillante y frondosa lengua;

Tu raíz salvaje, a donde no volviste, pues dijiste:

No hay cielo que se recupere ni Edén que se repita,

Dejando de un frescor sin relojes

El paraíso del recuerdo, el divino cántaro.


De joven ya, embelesada

Como de niña de las escenas bíblicas,

Portal a otros mundos sagrados,

Alabaste los loores

De Nuestra Señora del Cielo, y su manto

Te protegió de infortunios

Venideros, y pasados.


¿Es posible, luego, sola, tras el Capitán,

Con el hijo que amaste hasta el dolor extremo,

Perdida, encontrada

En lo alto de la cumbre de todos los honores,

Escapar a la erosión del tiempo,

Como la esquiva Esfinge

Que cantó el vate de Bilbao?


Hoy, desposada con América

(No lo digo yo, sino Zorrilla),

También perdida mi chance de encontrarte

En esta tierra, ida ya, pasajera en destino,

no hay palabras justas para agradecerte

el canto rodado de tus palabras,

el sortilegio de tu legado.

Angers, 10 de agosto de 2019

(C) Tomado de Merello-Guilleminot, E. (2021) - Dialogos - Poesías y relatos varios, España, BoD.

Mención Especial en la categoría "Poesía" en el concurso "Antología Por amor a Juana" organizado por el Movimiento Cultural "Juana de América" (Piriápolis, Uruguay, 2023).

 Imagen: Juana de Ibarbourou, foto de Elena Bazterrica (ca. 1924)

 

sábado, 6 de enero de 2024

LA NAVIDAD Y SUS FULGORES

De todos los tiempos y fiestas del calendario cristiano, sin duda que el ciclo de la Navidad -desde el Adviento hasta la Epifanía- es el que me moviliza más emociones, desde la profundidad de su misterio y su brillo refulgente en la alta noche. Es allí, en el momento en el que el celebrante entona el Gloria gregoriano durante la Misa de Gallo, cuando todos nos sentimos estrechamente hermanados en el acontecimiento inefable de un Dios hecho hombre. El Pesebre ya completo lo anuncia y lo proclama, mientras parece invitarnos con la antigua melodía: Venite, adoremus!

Vengo de un país en el que a la Navidad, la cultura oficial llama “Día de la Familia” desde 1919 (1). Mis recuerdos, por ende, en el marco de una infancia dorada, la asocia a grandes reuniones de una familia feliz, a O du Fröeliche, o du Selige o el infaltable Stille Nacht, heilige Nacht salidos de un vinilo de los Niños Cantores de Viena, o a las más cercanas vidalas y chamamés de la inolvidable “Navidad nuestra” de Ariel Ramírez, con sus “Que Dios te salve María, la más bonita kuñatai” de la Anunciación. Todo en torno a una mesa colmada de delicias europeas a la hora del brindis, tras la regular carne asada venida de los gauchos, otro curioso sincretismo. 

 

Esta navidad de 2023 conmemoró el 800° aniversario del primer Pesebre o Belén creado por san Francisco de Asis en Greccio, Italia. Según lo describe san Buenaventura, el pesebre era viviente (con humanos y animales representados en los roles bíblicos). Imagen: Pesebre de la Catedral Saint-Maurice de Angers, Francia.

Por entonces el Pesebre y sus misteriosas figuras, junto al infaltable y perenne arbolito navideño con sus adornos primorosos, constituía ciertamente el lugar del misterio trascendental a las palabras, más allá de los regalos que iban a llegar cuando diera la medianoche.

¿Por qué esas figuras? ¿Por qué ese pino decorado con tantas luces y colores, todo lo cual preparábamos con esmero y antelación? Ahí estaba el Niño Dios, allí estaban rodeándolo el aliento cálido de un asno y un buey, porque "conoce el buey a su dueño, y el asno el pesebre de su amo,” (2) enseñándonos lo que por el filtrado de nuestro raciocinio excesivamente cartesiano, 2 + 2 son 4, a nosotros, Pueblo de Dios, nos resulta difícil discernir. Y estaba la mirada amorosa de la Virgen María, “puerta del cielo siempre abierta”, como enseña la antífona mariana de estos días,(3) y estaban San José, del linaje de David, el rey músico, los humildes pastores, los enigmáticos Reyes Magos, todo lo cual mi escueto catecismo le confería la justa aureola de maravilla.

OTRA DOCENCIA NAVIDEÑA A TRAVÉS DEL ARTE

El paso del tiempo, y en particular el estudio y práctica del canto gregoriano hicieron que la Navidad cobrara una dimensión distinta, acaso más desconectada del entorno: si bien la fe cristiana es eminentemente celebrativa y comunitaria (es bien sabido que la familia cobra su lugar preponderante en la historia de la Salvación), Dios habla a cada uno de nosotros en la profundidad de nuestros corazones.

Y a descubrir las maravillas de este repertorio único del Adviento, que parten como en una soberbia obertura del introito Ad te levavi, en "subida" hacia la gran fiesta del Sol de Justicia. Una subida que se hace intensa, rica, plena de regalos para el alma dispuesta a dejarse llevar de estos encantos, y no solo los que encontraba bajo aquellos lejanos arbolitos de Paysandú, la entrañable ciudad de mis mayores, o de Montevideo, mi ciudad balcón al sur, y la de mi propia familia.

En efecto, a la Navidad se accede como por peldaños, gracias a las antífonas "O" de las vísperas de sus últimos días, con su repetición formulada y admirativa hacia Quien es la Sabiduría, el Adonai, la Raíz de Jessé, la Llave de David, el Oriente, el Rey de las naciones, el Emmanuel, todos títulos mesiánicos: una a una nos conducen desde la sabiduría (el 17 de diciembre) hasta Quien habrá de nacer en el hoy eterno,(4) el divino Emmanuel (el 23 de diciembre) anunciado por los profetas, que es el Cristo de Dios. Una subida, en fin, sugerida en cada una de estas piezas,(5) abarcando seis de las notas de la gama musical, de re a si/sib, o aun todas ellas desde el do, si consideramos la pretónica que es rozada tras la cesura del versículo:

 

 
El neuma “llave” a esa subida exclamativa, es el podatus initio debilis sobre la "O" (tomado del Antiphonale Romanum II, Solesmes, MMIX, p. 43).

Si; subimos hasta la Navidad para contemplar el Dios que se abaja a nuestra naturaleza más frágil, a nuestra humanidad mas desprotegida, tal y como lo vemos en los Pesebres del mundo en la figura de ese Niño que viene de nacer, un Dios encarnado que se hace hombre para que nosotros participemos de su inmanente divinidad, lo cual ciertamente es el tesoro oculto que lleva todo cristiano. Y esto, lejos de ser un oxímoron teológico, es un hecho histórico colmado de certezas: los que sabemos de su presencia real "que excede todo conocimiento"(6) en nuestras vidas, no podemos sino que emocionarnos e ilusionarnos mientras se suceden esas cuatro semanas que preparan el Gran Día.(7)

Después vienen más obras maestras del repertorio gregoriano, partiendo de los introitos de las tres misas de la Natividad del Señor: Dominus dixit, en el que el Padre y el Hijo dialogan en la intimidad del Espíritu Santo, en la misa de la noche; Lux fulgebit, el anuncio del nacimiento histórico bajo la Estrella de Belén, en la misa de la aurora, con sus destellos verdaderamente visuales; y finalmente Puer natus, en la misa del día, una pieza colmada de alegría que se expande a los cuatro vientos, desde su brillante quinta ascendente del primer neuma. Es una expresión magistral de que las tinieblas dan paso a la luz, la epifanía de Dios nos alcanza a todos, a todos los pueblos, a todas las naciones, a la condición humana en su plenitud. 

 

El Coro gregoriano de París interpretando el introito Puer natus durante la Exposición universal de Nagoya, Japón, en 2005 (https://youtu.be/77gg7KpvF9g?si=uSC4ziBCT3Tb74Jt ).

HACER DE CADA DIA UNA NAVIDAD

El recuerdo de aquellas tantas navidades luminosas junto a mi familia, se superponen a aquella lejana e irrepetible compartida junto a los amigos del Coro gregoriano de París en Alejandría, cuando nos encontrábamos en gira por el País de los Faraones. O tantas otras posteriores, entonando esas piezas como tantas otras soberbias -en su justo título- que nos ha dejado la tradición musical de la Iglesia, lo que tenía como lugar privilegiado la flamígera iglesia de Saint-Séverin de París. Entonábamos y entono hoy y siempre el gregoriano, y siento que con ello estoy más cerca de los ángeles que anunciaban cantando el nacimiento del Unigénito de Dios en Belén, lo cual -corresponde reconocerlo- es un privilegio de quienes nos valemos del arte de los sonidos para la alabanza divina, tanto dentro como fuera de la Liturgia: hacerse uno con los ángeles del Cielo, sea en castellano o en guaraní, como en la gran obra de Ramírez; en alemán, francés o no importa qué lengua, como en tantas otras joyas de la tradición popular; y especialmente en latín, la lengua de la Iglesia de Roma desde el lejano siglo IV.

En este mundo que pareciera darle la espalda a las realidades supranaturales por sospechosas o “incomodas”, y ya decía Bernanos que la civilización occidental es ante todo “una conspiración universal contra toda forma de vida interior”,(8) los fulgores de la Navidad, llamados a perdurar a lo largo de todo el año, son fehacientemente el portal a una trascendencia que nos ha sido arrebatada en dosis homeopáticas, y que empero por derecho propio nos pertenece. Es al cristiano a quien corresponde prolongar aquel hoy eterno, para que esa epifanía sea un perpetuo llamado a la conversión y luego a la alabanza: venite adoremus...

Enrique Merello-Guilleminot

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(1) Sin contar, naturalmente, a los países de cultura islámica, junto a China y Corea del Norte, el Uruguay comparte ese dudoso podio mundial del escepticismo institucionalizado: ciertamente, “como el Uruguay, no hay”, tal como repetían nuestros mayores, aunque aquí sin ánimo de elogio.

(2) Cf. Is. 1,3.

(3) La antífona de Completas del Adviento y Navidad Alma Redemptoris Mater.

(4) Es ésta, precisamente, la docencia de la antífona del Magnificat Hodie Christus, del mismo día de Navidad.

(5) Conviene precisar que el ms. Hartker (St. Gall 390/391) registra doce de estas antífonas (ff° 40-41), y por tanto cinco de las cuales no están transcriptas ni en el Antiphonale Monasticum de 1934 ni en las ediciones solesmenses del presente siglo.

(6) Cf. Ef 3,19.

(7) Qué pueden decir, uno se pregunta, los escépticos de la historicidad de Jesús de Nazaret, de ayer como los de hoy, tal como Michel Onfray, cuando no es ni en los escritos de Flavio Josefo, Tácito, Suetonio, Mara bar Serapion, ni siquiera en el papiro P52 (Papyrus Ryl. Gr. 457, i J. Rylands Library, Manchester), donde hay que buscar las pruebas documentales, sino en el testimonio vivo de los millones y millones que lo confiesan hoy y hace dos mil años como Hijo del Dios altísimo.

(8) Cf. BERNANOS, G. (1946), La France contre les robots, éditions France Libre, Rio de Janeiro.