viernes, 2 de diciembre de 2022

LE RYTHME DU CHANT GREGORIEN, LE NOUVEAU LIVRE DE DOM JACQUES-MARIE GUILMARD

 Il y a près d’un siècle qu’a été publié par Dom André Mocquereau le deuxième tome du Nombre Musical Grégorien ou Rythmique grégorienne – Théorie et pratique. Ce livre de grande taille semblait fournir l’enseignement définitif, adressé à un large public, sur le rythme du chant grégorien. Le sujet était délicat et passablement controversé. Dom Joseph Gajard – disciple et collaborateur de Dom Mocquereau pour la rédaction de cet ouvrage – se fit le continuateur et le propagateur des idées de son maître.

Dans sa longue préface au Liber Usualis de 1903, parue vingt ans plus tôt, Dom Mocquereau avait établi les principes de sa conception du rythme, conception qui a été popularisée sous le nom de « Méthode de Solesmes ». Cependant, il n’avait pas eu recours aux données des manuscrits antiques, alors que ceux-ci sont l’unique source ayant transmis le répertoire du plain-chant, tel qu’il a été pratiqué au Moyen âge, qu’il a toujours été aimé des savants et des humbles, qu’il a été « canonisé » par saint Pie X et finalement qu’il a été reconnu par le dernier Concile œcuménique comme étant le « chant propre de la liturgie romaine ». Pourtant, toutes les données rythmiques du chant grégorien étaient là à portée de main, prêtes à révéler leurs « secrets ». Les signes neumatiques grâce auxquels le grégorien a été conservé et a traversé les siècles, disaient jadis et nous disent maintenant, comment actualiser les mélodies et comment les « rythmer » de manière adéquate, afin d’exprimer « avec sagesse » la Parole de Dieu et ses nuances, ainsi que le demandait le Psalmiste.

Dans le présent ouvrage, Dom Guilmard s’exprime d’une manière rigoureuse sur cet important sujet qui dépasse de loin la question des ictus et des répercussions. Il décrit les bases d’une saine mise en pratique des données antiques. Il le fait avec clarté, en utilisant des outils scientifiquement incontestables. En cela, pas d’invention, ni de fausse relecture : il lui a suffi de revenir à la simplicité des choses parfois cachée par l’évidence. Il s’est mis à l’école de Dom Eugène Cardine, qui a été le « Champollion des signes neumatiques ». On connaît son ouvrage, La sémiologie grégorienne, publié en 1968 et désormais accessible dans le monde entier selon une quinzaine de langues. 

           "Le grégorien ne dépend aucunement d'une esthétique musicale préexistant" nous dit Dom Guilmard.                                       

Comment saisir l'originalité de Le rythme du chant grégorien? Laissons à son auteur qui nous le dit en ces termes : « C'est une présentation complète du rythme grégorien, y compris de ce qu’on ne parle jamais, au plan du rythme, les "sons flous"; une exposé théorique, mais illustrée et ouvrant sur la pratique concrète. Une exposé sur le lien entre rythme et notation, son utilité et limites, desquels on n'en parle jamais. » Puis il ajoute : « Le rythme grégorien est oratoire (comme le disait Dom Pothier), mais il est aussi verbal et syllabique ; il est différencié. » Et nous réfère à certains aspect que sont traité dans son livre : « On donne la valeur d'un pes long par rapport à des valeurs syllabiques, et d'un pes rotondus par rapport à des valeurs des valeurs diminuées. On donne le rapport entre valeur syllabique et valeur allégée. On donne une manière de chanter ces différentes valeurs. » Finalement, il s’exprime au sujet du rythme et la modalité, dont il fait une approche originale.

Le plan du livre de Dom Guilmard est simple et la lecture en est facile. On retiendra que le grégorien ne connaît pas de nombre, car celui-ci n’appartient pas au latin tel qu'il est dans la prosodie biblique, la langue maternelle du grégorien ; il ignore les mesures qui viennent de l’univers de la musique (et non pas du chant), et qui s’imposent seulement dans certaines conditions, en particulier s’il y a une certaine forme de simultanéité ; il n’y a donc pas de « temps » dans le sens quantitatif, comme on le conçoit aujourd’hui. Le rythme grégorien est tout naturellement le rythme de la Parole de Dieu que le chant orne de sa beauté supérieure au milieu de l’action liturgique. Par conséquent, c’est le rythme du latin, avec sa délicate alternance des syllabes toniques et atones, ses durées syllabiques, sa phraséologie et la structure modale qui lui sert de cadre. Dom Guilmard nous le rappelle : « La première donnée rythmique se situe dans le mot, [car] toutes les cellules rythmiques sont d’ordre verbal et dépendent des accents. » Ainsi, aucune structure pré-conçue n’enferme la Parole de Dieu. Dom Guilmard ajoute avec justesse et clarté, que les signes anciens ont été « transcrits pour faire connaître le grégorien, et non pas pour le cacher ».

Donc, la nouveauté de l’ouvrage est triple.

- Pour la première fois, le lecteur découvre une vision complète et ordonnée de la nature du rythme grégorien. Mêmes les sons « flous » n’ont pas été oubliés. De nombreux exemples et des applications pratiques élargissent la perspective.

- En outre, la différenciation des « valeurs » est traitée d’une manière exhaustive, en dehors des classifications artificielles.

- Enfin, le lien entre rythme grégorien et la modalité est exposé selon une approche toute nouvelle. 

Dans le célèbre Atelier de Paléographie Musicale de Solesmes, où sont conservées des copies centenaires de manuscrits grégoriens – l’une d’elles a été exécutée par le futur Cardinal Pitra – on remarque une phrase gravée sur la pierre, qui fixe splendidement l’objectif des grégorianistes: « Rechercher la pensée de nos Pères, nous effacer devant leur interprétation authentique, soumettre humblement notre jugement artistique au leur, c’est ce que demandent à la fois l’amour que nous devons avoir pour la tradition entière tant mélodique que rythmique, et le respect d’une forme d’art parfaite en son genre. »

Ayant toujours cet idéal devant les yeux, Dom Guilmard se soumet fidèlement à la tradition originale et originelle de notre beau chant grégorien, afin de la mettre en valeur au profit de notre génération et de celles qui nous suivront.

Enrique Merello-Guilleminot

Le rythme du chant grégorien 

Dom Jacques-Marie GUILMARD, moine de Solesmes

Éditions de Solesmes

editions@solesmes.com
www.abbayedesolesmes.fr
ISBN 978-2-82574-351-9

144 pages – 11,90 €

octobre 2022


 

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